Grandir sans père
Jean-Michel Gaussot grew up having the vague idea that his late father had been a hero. “Your father died for France in a concentration camp,” his mother had told him and his sister Christine since they had been small children. Only as he grew older did Jean-Michel Gaussot really fathom the depth of what had happened to the father he had never had a chance to meet. Seven months before Jean-Michel Gaussot was born the Sicherheitsdienst had arrested his father Jean Michel Joseph Gaussot on March 3, 1944. He was never to see his son as he died in the Wöbbelin reception camp in late April 1945.
Protéger sa famille
Jean Gaussot était un jeune juriste à l’avenir prometteur lorsqu’il s’engagea dans la Résistance. Il ne dit pas à sa famille qu’il participait à l’envoi par radio d’informations destinées à la Grande Bretagne. Aujourd’hui, son fils suppose qu’il voulait probablement éviter que sa jeune épouse s’alarme des risques que recelait cette activité entrainait pour lui-même et pour sa famille.
Entretenir l’héritage de son père
Depuis plus de neuf ans Jean-Michel Gaussot est un membre actif de l’Amicale de Neuengamme et de ses Kommandos, association créée en 1945 par un groupe de survivants. Elle s’est fixé pour objectif de préserver la mémoire des déportés et celle de la terrible épreuve qu’il ont vécue au camp central de Neuengamme et dans les camps annexes, de contribuer à ce que les responsables soient traduits en justice et d’empêcher que l’histoire ne se répète.
Avant même de rejoindre l’Amicale, Jean-Michel Gaussot jugeait très important d’honorer les victimes des crimes nazis et d’ « aider les jeunes générations à apprendre les leçons de ce sombre passé ». Aujourd’hui, le temps qu’il consacre à la poursuite de la mission de l’Amicale renforce aussi le lien qui l’attache à son père :
Je considère mon engagement au sein de l’Amicale comme une sorte d’hommage à mon père, qui est mort lorsque j’avais six mois et que je n’ai pas eu la chance de connaître. J’y vois un moyen de continuer, d’une manière très modeste, le combat pour la liberté qui lui a coûté la vie.
De Paris à l’Allemagne du Nord
Comme beaucoup d’autres Résistants parisiens, Jean Gaussot a été emmené à la prison de Fresnes, dans la banlieue de Paris, où les détenus étaient incarcérés et interrogés dans des conditions inhumaines. L’étape suivante de son voyage vers le camp de concentration de Neuengamme fut le camp de transit de Compiègne-Royallieu, qu’il quitta par le premier convoi à destination du camp de concentration de Neuengamme.
Après quelques jours passés au camp central de Neuengamme, il fut transporté, avec 800 autres détenus en provenance de divers pays d’Europe, au camp annexe de Fallersleben-Laagberg, où ils furent tous exploités par la Deutsche Bau AG, étant affectés à la construction d’un nouveau « village » pour l’entreprise Volkswagen. Durant sa détention à Fallersleben, Jean Gaussot apprit la nouvelle de la naissance de son fils.
Alors que les troupes alliées s’approchaient de Fallersleben, Jean Gaussot et les autres prisonniers furent évacués, le 7 avril 1945, et entreprirent un horrible voyage en train. Huit jours plus tard, ils entraient dans le « camp d’accueil » de Wöbbelin. La malnutrition et les maladies y tuèrent un millier de détenus avant la libération du camp, le 2 mai. Parmi eux, Jean Gaussot.
Secrétaire général de l’Amicale
61 ans après la mort de leur père, Jean-Michel Gaussot et sa soeur prirent part pour la première fois à un pèlerinage de l’Amicale française, voyage organisé tous les ans à destination des mémoriaux du camp central de Neuengamme et de plusieurs camps annexes.
C’est à l’occasion de ce voyage qu’ils firent la connaissance de Robert Pinçon, qui était alors Secrétaire général de l’Amicale française et Président de l’Amicale Internationale de Neuengamme. Robert Pinçon parla alors à Jean-Michel Gaussot de ses activités dans la Résistance, des travaux physiques horribles auxquels il était contraint dans une carrière d’argile et dans la briqueterie du camp central de Neuengamme, et de son combat obstiné pour la mise en place d’un mémorial digne de ce nom sur le site du camp central de Neuengamme.
Par la suite, le déporté survivant convainquit Jean-Michel Gaussot de postuler à un siège au sein du conseil d’administration de l’Amicale française. Il y fut élu en 2008. Deux ans plus tard, Jean-Michel Gaussot devint secrétaire général adjoint. Quand Robert Pinçon démissionna pour raisons de santé de son poste de secrétaire général, Jean-Michel Gaussot lui succéda dans ces fonctions. Jean-Michel Gaussot éprouve une profonde admiration pour cet ancien déporté dont il considère la mort, à l’automne 2012, comme une « grande perte pour nous tous ».
L’avenir de l’Amicale
La disparition des déportés constitue aussi pour l’Amicale la perte de puissants porte-parole, qui menace d’ affaiblir l’influence que l’association possède encore aujourd’hui.
Interamicale
Selon Jean-Michel Gaussot, l’un des moyens de renforcer cette influence est la coopération avec d ‘autres amicales de camp. Un premier pas dans cette direction a été a té accompli : les différentes amicales ont entrepris de se réunir dans le cadre d’une structure commune informelle appelée « Interamicale ». Chacune des amicales participantes partage la même volonté de faire respecter les valeurs qui ont inspiré le combat de la Résistance, de maintenir vivante la mémoire des anciens détenus des camps et de lutter contre toute résurgence des idéologies d’extrême-droite.
Mémoire, Histoire et Avenir
En fait, l’Amicale de Neuengamme et de ses Kommandos a réaffirmé son attachement à ces objectifs dans un manifeste rédigé en 2009 par sa commission « Mémoire, Histoire et Avenir ». Avec Yvonne Cossu-Alba, fille d’un autre résistant français, mort quelques jours avant la libération du « camp d’accueil » de Sandbostel, Jean-Michel Gaussot a coprésidé cette commission pendant quelque temps. Bien qu’il ait démissionné de cette responsabilité parce qu’il estimait ne pas avoir assez de temps à lui consacrer, sa position n’a pas varié quant à l’utilité de la commission.
Le travail de cette commission me paraît essentiel tant il y a à faire pour préserver la mémoire de ce qu’ont vécu les déportés, détenus ou Häftlinge.
Des membres plus jeunes de l’association ont maintenant pris la responsabilité de la commission. Jean-Michel Gaussot est heureux que des personnes plus jeunes s’investissent dans l’Amicale. Mais il faudrait selon lui faire davantage encore dans ce sens.
Alors que les déportés disparaissent peu à peu, nous devons nous préparer à travailler sans leur présence qui nous aide et nous encourage […] Mais il est important d’essayer de convaincre les jeunes des deuxième et troisième générations de poursuivre avec nous cette grande tâche de préservation de la mémoire.
Les liens avec le Mémorial du camp de Neuengamme
Cependant, ce n’est pas seulement le soutien des jeunes qui est indispensable aux yeux de Jean-Michel Gaussot : il juge très important aussi le travail accompli par le Mémorial du camp de concentration de Neuengamme. Force est de constater à cet égard que les liens de coopération entre l’Amicale et le Mémorial ont été particulièrement affectés par la disparition des anciens déportés.
Robert Pinçon et les autres survivants avaient construit au fil des ans une relation étroite avec le directeur et toute l’équipe du Mémorial de Neuengamme. Mais comme ils sont de moins en moins nombreux à pouvoir s’employer à la réalisation des objectifs de l’Amicale, les liens antérieurement très étroits avec le Mémorial ont tendance à se relâcher. Jean-Michel Gaussot estime que la barrière de la langue est plus manifeste que jamais. Malheureusement, observe-t-il, la plupart des membres du personnel du Mémorial ne partage pas une langue commune avec les membres de l’Amicale.
S’il doute que cette barrière linguistique disparaisse rapidement, un bon début consisterait à « organiser des contacts plus systématiques et sur une plus grande échelle à l’occasion du voyage annuel de notre amicale à Neuengamme. » Le simple échange d’informations par voie électronique serait à son avis de nature à améliorer les relations.
Représenter la France
Sa visite au Mémorial du camp de concentration de Neuengamme, en 2006, n’a pas été pour Jean-Michel Gaussot son premier séjour dans le pays où son père était mort. En fait, sa première affectation à l’étranger en tant que diplomate de carrière le conduisit à Bonn, qui était alors la capitale de le République Fédérale d’Allemagne. Il est clair que la notion de culpabilité par association n’est pour Jean-Michel Gaussot un concept pertinent. Même lorsqu’il évoque son histoire familiale, on ne perçoit dans sa voix aucune trace de colère et sa parole ne reflète aucun sentiment de haine.
Durant les 39 années qu’il a passées à représenter la France dans divers pays à travers le monde, il a fait en sorte de servir les intérêts de son pays mais aussi d’œuvrer au renforcement de la communauté internationale. Les bases de cet état d’esprit tourné vers l’international avaient été posées lorsqu’il séjourna aux Etats-Unis en tant qu’ étudiant étranger dans une high school de Hinsdale, dans la banlieue de Chicago.
« Ce fut une expérience extraordinaire qui a changé mon regard sur le monde et m’a donné un vif intérêt pour les contacts internationaux, dans la mesure où je n’avais pas seulement « découvert l’Amérique » mais eu aussi de nombreux contacts avec d’autres étudiants de l’American Field service venant de tous les continents » .
Quand plus tard il vécut à nouveau aux Etats-Unis, ce fut à New York pour occuper les fonctions de premier conseiller à la mission française auprès des Nations Unies, durant la phase la plus aigue du conflit entre l’Iran et l’Irak. Un autre poste – également en rapport avec un conflit – ressort de la liste des pays dans lesquels il a été affecté : il fut pendant un an coprésident du groupe de surveillance Israël-Liban mis en place après l’opération militaire israélienne Raisins de la colère pour protéger les civils tant dans le Sud du Liban que dans le Nord d’Israël.
C’était une mission délicate, qui représentait un défi […] Chaque fois que se produisait un incident amenant l’une des parties à déposer une plainte, nous nous réunissions dans le sud du Liban et menions des négociations extrêmement compliquées – qui duraient généralement toute le journée et se poursuivaient pendant la nuit, jusqu’à l’aube – conduites par mon homologue américain et moi-même, afin d’établir les responsabilités et de tenter d’empêcher l’escalade des combats […] C’était l’une des rares situations où, en tant que diplomates, nous pouvions avoir le sentiment de peser sur le cours des choses et de contribuer à sauver des vies.
Si Jean-Michel Gaussot se reproche d’avoir été, jusqu’à sa retraite, « trop occupé et trop souvent éloigné de mon pays pour m’engager dans des activités liées au sort de mon père », il est facile de voir qu’en tant que diplomate il fut guidé par une vision de la liberté pour tous, une vision qui était celle de son père ainsi qu’il l’ observe lui-même.
Un vrai diplomate, sur la scène et dans la vie
Outre la liberté, les Résistants étaient aussi attachés à une autre valeur : la fraternité. Pendant sa visite au mémorial de Neuengamme en mai 2014, il a souligné que cette solidarité pouvait non seulement rapprocher les descendants des anciens détenus des camps de concentration, mais aussi s’étendre aux proches de descendants de responsables nazis.
Son attitude conciliante, durant la rencontre multi-générationnelle organisée par le Mémorial afin de réunir des survivants, des proches d’anciens détenus ainsi que des étudiants allemands et d’autres personnes intéressées pour des discussions sur l’avenir de la mémoire, ont fait de lui le rédacteur idéal d’un projet de déclaration adopté par l’ensemble des participants. Ce texte fut rendu public lors de la cérémonie tenue le 4 mai 2014 pour commémorer la fin de la guerre et la libération des camps.
Sans Jean-Michel Gaussot, la vision suivante, contenue dans cette déclaration, n’aurait pas été possible :
Les enfants d’auteurs de crimes nazis et les enfants de détenus des camps de concentration, en particulier ceux dont les pères ou les mères n’ont pas survécu, partage une même douleur. Cela ne doit pas les séparer mais au contraire les aider à se rapprocher. Les uns et les autres doivent affronter un passé dont ils ne portent pas la responsabilité. Ils peuvent et doivent coopérer pour faire en sorte que les crimes commis ou subis par leurs parents ne se répètent pas.
Traduit en français par Jean-Michel Gaussot.