Pascal Roger approuve le dialogue entre familles d’anciens détenus et familles d’anciens bourreaux nazis
Pascal Roger, arrière-petit-fils d’Abel Leprince qui était décédé à Neuengamme en Mars 1945, a participé à l’atelier „Dialogue entre familles d’anciens détenus et familles d’anciens bourreaux nazis“ du Forum „L’avenir de la mémoire“ au Mémorial de Neuengamme le 6 mai 2015. Voici ses réponses aux questions visant à enrichir les principaux thèmes de discussion.
Comment avez-vous été informé du parcours de votre père ou votre grand-père?
Via mon père avant tout, qui a lui-même intensifié ses recherches au cours des dix dernières années ; A l’origine aussi via un autre déporté de l’Orne (Michel Simon, déporté à Mauthausen) dès 1974
Dans quelle mesure avez-vous pu (ou non) surmonter les conséquences des actes des bourreaux?
Grâce aux initiatives de toute nature assurant la transmission de la mémoire et la reconnaissance vis-à-vis de ceux qui ont payé le prix le plus fort et ne sont du coup pas oubliés et morts « pour rien ». Exemples : livres et films sur Jean Moulin, Nuit et brouillard d’Alain Resnais, Si c’est un homme de Primo Levi, Shoah de Claude Lanzmann, L’armée des ombres et de nombreux autres ouvrages, documentaires, films sur l’univers concentrationnaire et la Résistance.
Par la réflexion et l’action personnelle au service de la mémoire et du « plus jamais ça » ; Concours de la Résistance et de la déportation (classe terminale) dont j’ai été lauréat national en 1982 ; Engagement plus large pour l’emploi – le chômage de masse et la perte des repères sociaux étant pour moi une cause majeure d’une telle catastrophe, indépendamment du pays – et l’Europe / l’interpénétration des cultures par opposition aux dangers du repli pour soi protectionniste. Ce, comme dirigeant dans l’industrie en France et en Allemagne.
Par le fait que la société allemande et la plupart de ses dirigeants, à commencer par la Chancelière Merkel et le Président Gauck, ont un comportement exemplaire dans l’acceptation des enjeux de la transmission de la mémoire (visite récente et symbole fort de la visite du Président Gauck à Oradour-sur-Glane par exemple).
Que transmettrez-vous à vos enfants?
Le sens de la vigilance, en étant lucide vis-à-vis de la nature humaine, capable du meilleur mais aussi du pire. La conscience du courage et des sacrifices accomplis par des hommes et femmes pour la dignité, la liberté et l’honneur de tous ; L’ouverture aux autres, le repli sur soi menant tôt ou tard à la guerre ; Mon épouse est allemande, ma fille a la double nationalité, est bilingue…
La tolérance et le discernement par opposition aux a priori caricaturaux et trompeurs. Mon beau-père, aujourd’hui décédé, médecin et homme généreux, a été à l’origine embrigadé avec enthousiasme dans la Hitler Jugend, puis soldat de la Wehrmacht sur le front russe vite désabusé…
Qu’attendez-vous, que craignez-vous d’un dialogue entre des descendants de victimes et des descendants de bourreaux?
Bonne initiative. Le seul objectif qui vaille est d’avoir des échanges authentiques et ouverts de part et d’autre au service du plus jamais ça. Il y a une seule nature humaine et le meilleur (trouver une communauté de vue humaniste) peut suivre le pire, de génération à génération.