Il n’y a pas de haine des descendants de victimes par rapport aux descendants de bourreaux
Jean-Michel Clère, petit-fils de Robert Clère qui est décédé le 18 mai 1945 à Sandbostel et président de l’Amicale de Neuengamme et de ses Kommandos, a participé à l’atelier „Dialogue entre familles d’anciens détenus et familles d’anciens bourreaux nazis“ du Forum „L’avenir de la mémoire“ au Mémorial de Neuengamme le 6 mai 2015. Voici ses réponses aux questions visant à enrichir les principaux thèmes de discussion.
Comment avez-vous été informé du parcours de votre père ou votre grand-père?
Mon Grand-père, le Commandant Robert CLERE est décédé le 18 mai 1945 à Sandbostel. C’est donc mon père qui nous a renseignés sur son parcours.
Dans quelle mesure avez-vous pu (ou non) surmonter les conséquences des actes des bourreaux?
Il est très facile de faire des confusions et de mélanger rapidement les parents et les enfants. On pourrait dire « Tel père, tel fils ». Ce serait d’autant plus facile de faire ce mélange que ces mêmes enfants (ceux des bourreaux), par amour parental, enfourcheraient les idées de leurs parents même si ceux-ci sont dans l’erreur. C’est beaucoup plus facile de ne pas faire le mélange quand les enfants ont compris que les errements de leurs parents ne sont pas les leurs.
Enfin, il est fondamental de reconnaître que les grands responsables politiques ont un rôle à jouer dans leur message. Ce fut le cas entre le Chancelier K. Adenauer et le Général de Gaulle pour la réconciliation de la France et de l’Allemagne en 1962.
Enfin, cela se joue aussi par les circonstances de la vie qui font qu’à un moment, il nous est donné l’occasion de tendre la main à celui qui appartient à la nation à qui on a fait la guerre et il faut savoir la tendre. Cela n’empêche à aucun moment d’oublier, cela n’implique pas que l’on trahit les siens. Cela veut dire que l’on met, à titre personnel, de façon modeste, sa brique à la construction d’un avenir meilleur pour tous.
Que transmettrez-vous à vos enfants?
Il y a dans la réponse précédente une partie de la réponse de cette question. Par ailleurs, il est important de ne pas occulter des parties douloureuses de notre histoire mais de savoir les partager avec ses enfants pour mieux construire l’avenir. Et cet avenir doit être un avenir de paix et de construction de l’Europe. Il faut être à tout moment prêt à :
– utiliser la politique réduisant les tensions entre les hommes,
– assurer la coercition pour étouffer le fascisme,
– lutter par tous les moyens contre des Etats ou des groupes qui ne respectent pas les autres.
En deux mots, il faut être courageux et intelligent à la fois, qualités parfois antinomiques.
Qu’attendez-vous, que craignez-vous d’un dialogue entre des descendants de victimes et des descendants de bourreaux?
Il n’y a rien à craindre d’un dialogue entre les descendants. Il faut surtout s’attacher à faire savoir qu’il n’y a pas de haine des descendants de victimes par rapport aux descendants de bourreaux ; il n’y a pas de pardon non plus car les descendants de bourreaux ne sont pas les bourreaux. Nous sommes là pour construire l’avenir pour le meilleur de chacun de nous.
Je souhaite que ce dialogue puisse rassurer les descendants de bourreaux : il n’y a que de l’amour pour eux.