Le père de Lars Lynge, Knud Lynge, a été arrêté le 14 novembre 1944 sur son lieu de travail, aux archives cartographiques maritimes royales danoises. Ce jour-là, la Gestapo a fait irruption dans le bâtiment à la recherche d’un fugitif et a trouvé un pistolet dans la poche de Knud Lynge. Pendant la guerre, il avait enseigné le tir à des résistants, raison pour laquelle il portait parfois une arme sur lui. Le port d’arme étant strictement interdit, il fut emmené à la prison de Vestre et interrogé avant d’être transféré à Neuengamme le 15 décembre 1944. Son fils Lars nous a raconté comment il a découvert l’histoire de son père et comment la vie de la famille a été marquée par la déportation de ce dernier.
Comment as-tu découvert l’histoire de ton père?
Je suis le fils de Knud Harald Lynge, qui a été détenu au camp de concentration de Neuengamme du 16 décembre 1944 au 16 avril 1945 sous le numéro de prisonnier D 67972. Mon père nous a raconté, à mes deux sœurs et moi, son séjour à Neuengamme lorsque nous avions 7 ans. Il ressentait le besoin de nous parler, à nous ses enfants, de sa captivité.
Quelle influence l’histoire de ta famille a-t-elle sur la personne que tu es aujourd’hui?
Nous avons pu voir l’album que mon père avait créé après la guerre. Le dimanche, lorsque nous, les enfants, devions faire nos lits, il nous racontait comment il devait faire son lit à Neuengamme pour qu’il soit inspecté. Je me souviens qu’après les repas, nous n’avions pas le droit de jeter de la nourriture, car mon père avait souffert de la faim à Neuengamme et ne voulait pas que l’on gaspille la nourriture. J’ai été témoin de la colère et de la haine de mon père envers les Allemands plus âgés, et lorsque nous partions en vacances en Europe, c’était toujours ma mère qui parlait aux Allemands, car elle parlait mieux l’allemand. J’ai souvent accompagné mon père à des commémorations à Copenhague. Quand j’étais jeune, je faisais très attention à traiter la nourriture avec respect, comme le faisait mon père. Je comprends l’attitude de mon père envers les Allemands et j’ai du mal à imaginer ce qu’il a vécu à Neuengamme. Mon père a eu la chance de ne pas avoir souffert de maladies physiques ou psychiques suite à son incarcération. Malheureusement, j’ai constaté que mes frères et sœurs ne souhaitaient pas vraiment parler avec moi du temps de notre père à Neuengamme.
Après la mort de mon père, j’ai d’abord eu du mal à visiter le musée de la liberté et Mindelunden, car ces lieux me rappelaient la déportation de mon père dans le camp de concentration.
Quels éléments de ton histoire familiale et de tes valeurs transmettras-tu à la ou aux prochaines générations?
J’aimerais leur raconter ce que mon père m’a raconté et ce que j’ai lu dans des livres. Ma fille est très intéressée par l’histoire de son grand-père et je voudrais aussi que ses enfants en apprennent davantage à ce sujet lorsqu’ils seront en âge de découvrir les événements de la Seconde Guerre mondiale.
Comment en es-tu venue à t’engager dans l’Amicale danoise? Que signifie pour toi ton engagement?
Je suis devenu membre de l’Amicale danoise en septembre 2002, après le décès de mon père, lorsque l’association a organisé un pèlerinage et que ma mère a souhaité y participer. Cependant, elle avait besoin d’aide car elle avait des difficultés à marcher, et je l’ai donc accompagnée. Depuis, participer à ces voyages compte beaucoup pour moi. Au cours de ces voyages, j’ai rencontré d’anciens détenus et des veuves de détenus de Neuengamme qui m’ont raconté leur histoire, et il était important pour moi d’obtenir des informations précieuses sur le sujet de la part de ceux qui ont vécu la déportation. La solidarité entre les anciens détenus m’a également beaucoup touché.
À propos de Knud Lynge
de Lars Lynge
Mon père, Knud Lynge, a été arrêté le 14 novembre 1944 sur son lieu de travail, les archives cartographiques royales de Copenhague. Pendant la guerre, mon père enseignait le tir au pistolet à d’autres résistants et emportait donc parfois son arme avec lui. Sur son lieu de travail, il était interdit d’apporter des armes et des documents illégaux. Le 14 novembre, la Gestapo recherchait une personne qui s’était réfugiée dans le bâtiment où travaillait mon père et, une fois à l’intérieur, elle a vérifié si les employés avaient quelque chose de suspect dans leurs tiroirs et leurs poches.
Mon père avait un pistolet dans sa poche et il a appris trop tard que la Gestapo fouillait tout le monde dans le bâtiment, de sorte qu’il n’a pas pu sortir le sac du bâtiment. Mon père a été emprisonné à Vestre et interrogé par la Gestapo. Lors d’un des interrogatoires, il a donné le nom d’un résistant, car il savait que celui-ci n’était jamais chez lui. Le 14 décembre 1944, mon père a été mis dans un convoi avec d’autres prisonniers et est arrivé à Neuengamme le 15 décembre 1944.
Après son séjour à Neuengamme
Après avoir été ramené chez lui depuis Neuengamme dans les bus blancs, mon père est arrivé en Suède et s’est reposé à Visingsø, près du lac Vättern. Pendant son séjour à Neuengamme, mon père avait contracté une pleurésie et la tuberculose et fut admis dans un hôpital au Danemark pour se rétablir. Au Danemark, il se reposa à Dronningmølle, sur l’île de Seeland. Il fallut environ un an avant que mon père ne recommence à travailler.
Mon père éprouvait de la colère et de la haine envers les Allemands, en particulier ceux qui étaient assez âgés pour avoir participé aux élections du Reichstag en 1933. Il acceptait les Allemands plus jeunes. Mon père a eu une belle vie après la guerre, il était en bonne santé, n’avait pas de problèmes mentaux et ne buvait pas trop, mais sa colère envers les Allemands a duré toute sa vie.
Mon père a rejoint la milice danoise lorsqu’elle a été créée en 1949. Mon père et ma mère se sont mariés en 1952 et ont eu trois enfants. Lorsque mes parents ont acheté une voiture en 1962, nous avons commencé à passer nos vacances d’été sous la tente. Nous partions souvent en vacances en Europe et traversions l’Allemagne. Mes parents aimaient voyager et étaient curieux de voir à quoi ressemblait l’Europe après la guerre.
